Mis en ligne par
Ignace de Witte
le 14 février 2011
En métropole, 2010 a été une bonne année, surtout en fin d’année, grâce à la prime à la casse. Ici, l’impact de cette mesure a été plus faible car le parc automobile réunionnais est plus récent (moins de voitures de 10 ans d’âge). 2010 à La Réunion se caractérise par un changement du comportement du consommateur: il s’oriente maintenant vers de plus petites voitures et surtout il raffole des low-cost: Dacia est la marque qui connaît la plus belle progression des ventes de VN (véhicules neufs).
Photos © vroum.info
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Pourquoi le parc automobile réunionnais est-il plus récent que le parc métropolitain?
Didier Coffy: Une des raisons est que les voitures vieillissent plus vite ici, en raison du climat mais aussi du réseau routier, surtout si la personne habite dans les hauts: les trajets sont complètement différents. Et le kilométrage parcouru, c’est une chose, mais les heures passées dans les embouteillages, cela fait aussi vieillir les voitures.
La qualité du carburant est également un facteur de vieillissement?
Didier Coffy: Dans les années 2000 on a effectivement connu quelques soucis à cause de la qualité des carburants (essence et diesel) mais c’est terminé.
Est-ce que 2010 a été une bonne année, en général et pour Renault en particulier? Est ce que Renault est passé devant Peugeot?
Didier Coffy: Renault représente 18,1% du marché local, contre 19,5% pour Peugeot. Mais il faut regarder la progression: Renault est à -1,44%, sur un marché en repli de 3,49%. 2010 a été une bonne année en métropole, mais à La Réunion, c’est une des plus mauvaises années de la décennie.
Il y a une baisse du nombre des voitures vendues mais est ce qu’il n’y a pas une plus forte baisse encore du Chiffre d’Affaires?
Didier Coffy: Je n’ai jamais vu les concessionnaires se battre comme en 2010, avec des voitures proposées parfois en dessous de 9.000 €. C’est certes artificiel, c’est par le biais de la prime à la casse, mais le client final a quand même payé sa voiture moins cher en 2010.
Les Réunionnais achètent-ils de plus petites voitures qu’auparavant?
Didier Coffy: En métropole, le segment le plus important du marché, c’est le M 1, ici c’est plutôt le segment I1 et I2 (ndr: les micro-citadines et les petites voitures). Le comportement du consommateur a changé: il réfléchit davantage avant d’acheter. Il y a 10 ans celui qui avait une voiture de marque française rêvait d’acheter une marque allemande : aujourd’hui, c’est beaucoup moins vrai. On vit une époque d’incertitude. Si un ménage a un budget automobile de disons 30.000 € et que pour 20.000 € il peut acheter une voiture qui lui offre les mêmes prestations, il va acheter cette voiture et mettre 10.000 € de côté, au cas où. C’est ce qui explique le succès grandissant de Dacia: cette marque ne représente encore aujourd’hui que 3,7% du marché mais sa progression est de +62,64%. La marque est présente à La Réunion depuis 2005 et notre meilleure publicité, c’est le bouche à oreilles: les gens étaient craintifs au début, c’était nouveau. Aujourd’hui, la marque est connue et bénéficie d’une excellente image de fiabilité. En plus, les modèles sont maintenant plus sexy (Sandero, Duster).
Est-ce qu’avec la crise, plus de gens se sont tournés vers le marché de l’occasion plutôt qu’acheter une voiture neuve?
Didier Coffy: On a effectivement assisté en 2010 à un transfert très fort des VN vers les VO: des clients qui n’achetaient habituellement que des voitures neuves ont acheté des voitures d’occasion. Le marché de l’occasion s’est très bien comporté en 2010. Mais, à l’inverse, la marque Dacia a attiré une clientèle qui n’achetaient auparavant que des voitures d’occasion!
Est-ce que les bons chiffres de Renault Réunion ne tiennent pas un peu au fait que d’autres marques ont des difficultés?
Didier Coffy: Je ne sais pas dans quelle mesure, mais cela a forcément pesé.
Est-ce que les concessionnaires réunionnais prennent plus de marge qu’en métropole?
Didier Coffy: Il faut bien comprendre qu’un concessionnaire Renault en métropole n’a pas de stock de voitures à gérer: il est en flux tendu avec l’usine, il fait choisir son client sur l’ensemble du catalogue et il est livré en trois semaines maximum. Un importateur local, il doit avoir du stock, sinon il risque de voir le client aller chez le concurrent. Du stock, cela veut dire de la trésorerie car si on ne paye pas, la voiture n’embarque pas au Havre! On a également des charges plus élevées. On a tout d’abord une fiscalité différente. En métropole, il y a la TVA à 19,6%, ici, le taux moyen d’octroi de mer, c’est 20%, auxquels s’ajoutent 8,5% de TVA. Sans oublier le coût du fret. Je vous ai parlé de stock: n’oublions pas que les loyers sont ici plus chers qu’en métropole. Et puis, si c’était un commerce aussi juteux que certains le disent: pourquoi Peugeot et Citroën vont si mal?
Est-ce que certains concessionnaires n’abusent pas de leur position dominante, puisque si on veut une voiture de la marque X, on est obligé d’aller chez le concessionnaire X à la Réunion, qui fait le tarif qu’il veut?
Didier Coffy: Trop de marge, c’est un boomerang qui vous revient dans la figure. Regardez la téléphonie mobile: au départ (1995), SFR était en situation de monopole à la Réunion et Orange en position de monopole aux Antilles. Quand il était seul, Jean-Pierre Haggai (SFR Réunion) faisait des promotions et c’était un des plus gros annonceurs publicitaires, de sorte qu’en 2005, quand Orange est arrivée, SFR est restée leader, alors qu’aux Antilles, l’opérateur historique, qui n’a pas fait les mêmes efforts, s’est fait laminer à l’arrivée de SFR. La loi du marché: c’est le client qui la fait!
Trouvez-vous normal que, pour exactement la même pièce automobile, d’origine, ce soit moins cher de la commander sur internet plutôt que l’acheter chez le concessionnaire local?
Didier Coffy: Il faut comparer ce qui est comparable. Déjà, pour commander sur internet, il faut un ordinateur et un abonnement internet: est
ce que vous le prenez en compte dans votre calcul? Et le temps passé? Nous, ici chez Renault, on a 5 personnes à temps plein pour la logistique. On a
également des msmall>3 à l’année sur Air Austral et Air France, pour nos livraisons de pièces, parfois
inutilisés mais qu’il faut payer quand même. Si vous prenez tout en compte, vous verrez que nos tarifs sont parfaitement justifiés.
On n’a pas toutes les pièces en stock (par exemple, la vitre de custode de certains modèles, c’est vrai, on l’a pas) mais on a quand
même 10.000 références en stock.
Pour les voitures, c’est pareil: si ce que vous dites est vrai, comment se fait-il qu’il n’y a pas de mandataire à chaque coin de rue? Je
vais vous dire pourquoi: parce que le concessionnaire va reprendre votre ancienne voiture, parce qu’il va vous faire une remise sur la nouvelle et que ça,
vous ne l’avez nulle part ailleurs.
Quelles sont vos perspectives pour 2011, le marché sera encore en baisse?
Didier Coffy: La baisse s’est stabilisée et je pense que 2011 devrait être conforme à 2010, en tous cas, ce sont nos prévisions.
Les voitures françaises sont-elles moins fiables que les voitures étrangères ?
Didier Coffy: Les Français sont champions pour se tirer une balle dans le pied! Si vous écouter les uns et les autres parler de leurs voitures, c’est vrai que vous entendrez davantage de propriétaires de voitures françaises que de propriétaires de voitures allemandes se plaindre de la panne de leur démarreur ou d’un autre accessoire. Or, tous les démarreurs par exemple sont de marque Bosh et Bosh ne fabrique pas des démarreurs différents pour les voitures françaises et les voitures allemandes. La vérité, c’est que les Français adorent se plaindre quand ils ont une voiture française alors que les propriétaires d’allemandes n’osent pas trop, de peur sans doute qu’on leur dise: «Ah bon, mais alors c’est pas aussi solide qu’on le dit les voitures allemandes?»
