Mis en ligne par Ignace de Witte le 4 avril 2016
En sortant une nouvelle «Africa Twin», Honda capitalise sur l’excellente image auprès du public de cette moto qui a remporté plusieurs éditions du célèbre rallye Paris-Dakar. Mais le constructeur japonais prend également un gros risque commercial: Honda n’a pas le droit de décevoir, car les attentes du public sont vraiment très fortes. Heureusement, les ingénieurs de chez Honda ont pris le temps nécessaire pour sortir une moto qui colle une sacrée gifle à la concurrence!
C’est déjà une moto exceptionnelle en raison de sa boîte de vitesses automatique à double embrayage, comme sur une supercar!Il y a tout juste 30 ans, en 1986, Honda remportait les deux premières places du Paris-Dakar (le vrai, qui partait de Paris et arrivait à Dakar) avec Cyril Neveu et Gilles Lalay. Ce double exploit sportif a été décliné commercialement avec le lancement de l’Africa Twin en 1988 (XRV 650cc puis 750cc à partir de 1990).
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’Africa Twin est sortie du catalogue Honda en…2003! On a en effet du mal à le croire car c’est une des motos les plus fréquentes dans nos rues! Elle doit cette résilience à sa fiabilité légendaire; c’est un des best-seller sur le marché de l’occasion.
Honda est une marque qui a toujours pris son temps avant de sortir un nouveau modèle et dans le cas présent il lui a fallu une douzaine d’années (2003-2015) pour nous offrir une nouvelle Africa Twin! C’est très long mais le résultat est à la hauteur des espérances. La nouvelle Africa Twin est une moto exceptionnelle, surtout dans sa version DCT (boîte automatique à double embrayage et palettes au guidon) que nous avons testée.
Photos © vroum.info
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Cela entraîne une hausse du poids de 10 kilos et une hausse de la facture de 1000 € mais cette boîte procure un indéniable agrément de conduite. Cette BVA n’est pas une totale nouveauté: Honda la propose déjà sur sa VFR 1200, mais c’est une première mondiale en ce qui concerne une moto tout-terrain. Cela ne s’invente pas: le designer italien de la nouvelle Africa Twin s’appelle Carbonara, comme la sauce! Il a réinterprêté les codes esthétiques de l’Africa Twin historique et le résultat est très réussi.
C’est un bon gros trail à l’ancienne, campé sur de vraies roues tout terrain: jante de 21 pouces à l’avant et de 18 pouces à l’arrière (alors que ses concurrentes sont en 19 et 17 pouces) et avec des pneus non tubeless (donc avec des chambres à air). La moto est très fine au niveau des genoux, pour une parfaite position de conduite, même debout. Le carénage offre une bonne protection du pilote, mais la bulle d’origine n’est pas réglable.
Le porte-bagages est une belle pièce de fonderie d’aluminium qui intègre aussi les poignées de maintien pour le passager. À défaut d’être discret, ce porte-bagages est solide et pratique: il permet de saisir la moto à plusieurs personnes pour la sortir d’une ornière par exemple. Le tableau de bord est entièrement digital et donc très compact.La nouvelle Honda partage avec sa rivale de chez Yamaha (Super Ténéré) certaines caractéristiques techniques, notamment l’architecture générale du moteur: bicylindre parallèle calé à 270°.
En clair, les deux cylindres ne sont pas en «V» comme sur une Harley Davidson ou sur l’ancienne Africa Twin mais ils sont maintenant côte à côte, comme sur une Triumph Bonneville par exemple. Les deux pistons ne montent pas et ne descendent pas en même temps, mais avec un décalage d’un quart de tour de vilebrequin. Le déséquilibre des masses en mouvement est absorbé mécaniquement par un arbre d’équilibrage mais, à l’oreille, cela se traduit par des «pulsations cardiaques» très particulières, surtout au ralenti.
Le moteur de l’Africa Twin développe 95 chevaux (70 kW) et 98 Nm de couple en version «full power». La moto n’est donc pas concernée par la nouvelle législation française sur les motos de plus de 100 chevaux. Boîte automatique oblige, il n’y a pas de levier d’embrayage. Mais il y a quand même un levier à gauche: c’est un «frein à main», parfois utile quand on se gare sur une surface accidentée et que l’on est pas trop sûr de la stabilité de la moto sur sa béquille latérale.
Le levier est positionné très loin du guidon pour empêcher le pilote de le saisir par réflexe en roulant, ce qui provoquerait une chute vraiment stupide!Comme sur une voiture, la boîte auto peut gérer les changements des rapports toute seule comme une grande ou bien on peut passer les vitesses en mode manuel, grâce à des boutons + et - au guidon. Il est à noter que c’est une boîte à double embrayage, une double boîte si vous préférez, de sorte qu’il n’y a aucun temps mort à l’accélération, le moteur est toujours en prise.
Et grâce au contrôle de traction, pas de patinage intempestif!Honda a fait le choix d’une transmission finale classique par pignon, chaîne et couronne, alors que ses concurrentes (Yamaha Super Ténéré et BMW GS) ont opté pour un cardan, sans entretien mais qui fait perdre quelques chevaux. Selon éric Faustin, un cardan entraîne également une hausse du poids non suspendu et cela pénalise donc les performances de la suspension.
Sur route, cela n’est peut-être pas très important, mais en tout-terrain, on sent la différence. Or, un des arguments de l’Africa Twin par rapport à ses concurrentes, c’est justement de revendiquer de meilleures aptitudes en tout-terrain!L’Africa Twin est un peu plus haute que ses concurrentes mais cela s’explique par le fait qu’elle offre aussi de plus grands débattements et donc une meilleure suspension.
Quant au freinage, il est puissant et endurant pour l’usage routier et offre cependant un «toucher» assez fin en tout-terrain. À l’avant, on trouve deux disques de 310 mm de diamètres, flottants, pris dans des mâchoires à 4 pistons, et à l’arrière, un simple disque de 256 mm de diamètre, pincé par un étrier à simple piston.
L’ABS est déconnectable.Résumé de notre essai: comme tous les motards, nous avions un terrible préjugé (une boîte auto sur une moto c’est déjà idiot mais sur une moto tout-terrain, c’est carrément crétin), mais dans la pratique, eh bien, c’est drôlement pratique et l’essayer, c’est l’adopter! Vive la boîte auto sur une moto!