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Mis en ligne par Ignace de Witte le 4 octobre 2011

Le nouveau visage du groupe Caillé

C’est l’une des plus anciennes entreprises de notre île: elle a été fondée en 1890 par Jules Caillé, un commerçant originaire de La Rochelle qui a débarqué à la Réunion en 1840. Son fils Jacques, puis son petit-fils François (un des rares authentiques diplômés d’HEC à La Réunion), en ont fait un puissant groupe qui réalise 760 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte 3300 salariés.

Il y a tout juste 10 ans (2001), François Caillé étudiait une éventuelle introduction en bourse. Il y a trois ans (2008), juste avant que la crise mondiale frappe la Réunion, tout allait encore pour le mieux dans le meilleur des mondes et le groupe Caillé rachetait toutes les activités du groupe Dindar (automobile, meubles et informatique) (LIRE ICI) et en 2009 il reprenait la carte Porsche (LIRE ICI). Aujourd’hui, en raisons de problèmes exogènes (crise mondiale) mais également endogènes (crise locale du BTP), le groupe Caillé est confronté à la plus grave crise de son histoire.

Le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis a décidé la mise en sauvegarde du Groupe en date du 30 mars 2010. Un plan de redressement a été présenté lors de l’audience du 7 juin 2011 et validé lors de l’audience du 14 septembre 2011. Ce plan de continuation comporte la cession de plusieurs actifs non stratégiques. 12 millions d’euros de cash ont ainsi déjà été dégagés. Après sa cure d’amaigrissement, le groupe ne va plus peser que 450 millions d’euros de Chiffre d’Affaires et employer 1800 salariés, soit presque moitié moins, mais il va repartir sur des bases saines. Voici un point sur la branche automobile, son cœur d’activité, avec ce qui a été cédé ou perdu et ce qui reste dans le giron du groupe Caillé.

Capital

En 2011, le capital de la holding de tête qui chapeaute le pôle automobile et le pôle grande-distribution du groupe Caillé est ainsi réparti:

LMBO est une SAS de gestion de portefeuilles créée en 1986, basée à Paris, 23 place Vendôme, actionnaire du groupe depuis 1996, lorsque François Caillé est devenu pdg.

Le groupe Caillé (SIREN 390228625) est une société anonyme organisée en une branche automobile, placée sous la responsabilité directe de François Caillé (depuis le départ de Jean-Marc Kaspar), et une branche grande distribution, placée sous la responsabilité de Philippe Lauthier, qui a remplacé le 15 avril 2010 Jacques Guillamot, ce dernier ayant fait valoir ses droits à la retraite. Philippe Lauthier est également depuis quelques semaines le nouveau pdg du groupe Caillé. Troisième personnage clef de l’organigramme: Joseph Teng Chuen Yu, dit Monsieur Joseph, le trésorier du groupe (directeur général délégué administration et finances).

La branche grande distribution est rattachée à une holding : la SAS Caillé Grande Distribution (SIREN 385335716). Des négociations ont eu lieu avec le groupe Casino pour la cession de la branche complète, qui comprend des établissements à La Réunion mais également Maurice et Madagascar, mais le prix proposé était trop bas de 50 millions selon les dires de François Caillé, qui n’a pas l’intention de brader ses actifs mais de les vendre au juste prix.

La branche automobile est elle aussi rattachée à une holding : la SAS Caillé Automobiles (SIREN 398357400). La branche Automobile détient des actifs à La Réunion, Madagascar, Mayotte mais aussi aux Comores et en Nouvelle-Calédonie ainsi qu’en métropole. C’est dans cette branche que cela bouge.

C’est un terrible dilemme qui se pose à François Caillé: pour renflouer son groupe, doit-il se séparer des entreprises rentables ou des entreprises malades? Les entreprises rentables se vendent beaucoup plus facilement et à un meilleur prix mais alors, qu’est ce qui va assurer la rentabilité du groupe et lui permettre de rembourser 221,6 millions de dettes sur 10 ans comme il s’y est engagé?

En fait, ce sont les candidats à la reprise qui mènent le jeu. Et force est de constater qu’ils ne se bousculent pas au portillon du tribunal de commerce. C’est à croire qu’ils préfèrent attendre la liquidation des entreprises qu’ils convoitent, pour ainsi renégocier un contrat à partir d’une page blanche, sans obligation de reprendre le personnel ni le passif. C’est le malheur qui est arrivé à Cap Mascareignes (appartenant à 65.01% au groupe Caillé), installé sur le port de plaisance du Port, qui détenait les cartes des voiliers Bénéteau et Laser et des hors-bord Yamaha, des cartes prestigieuses: liquidation.

C’est aussi ce qui est arrivé à CADIS, qui avait les cartes des batteries Varta, des pneus Pirelli et des huiles Castrol: liquidation. En fait, François Caillé commence à savoir qui sont ses vrais amis !

Bernard Hayot (par l’intermédiaire de Sixt) lui a racheté toute l’activité location courte durée: Locamat (appartenant à 57.50% au groupe Caillé, quatre agences franchisées Hertz, numéro 1 mondial) pour 974.000 € , Camaloc (appartenant à 50.13% au groupe Caillé, trois agences à l’enseignes Rent a Car et une agence à l’enseigne Ucar), pour 367.000 € , et Gie Autoloc (appartenant à 55.25% au groupe Caillé), pour 24.000 € , soit au total de 1,365 million. Le groupe Mooland et l’enseigne Au Bas Prix avaient également déposé une offre mais d’un montant inférieur.

Georges Michel a quant à lui racheté l’activité de location longue durée: Interéunion (appartenant à 58.17% au groupe Caillé) , soit cinq agences franchisées Budget, pour 587.000 €. Là aussi, le groupe Mooland avait fait une proposition, mais moins intéressante, de même qu’ITC Tropic Car.

En ce qui concerne le pôle moto (Zone Rouge dans le Nord et Cayamb dans le Sud), la SOGÉCORE (qui détient déjà la carte Honda) a repris Ducati et les scooters Peugeot, pour 385.000 € , et Bourbon Bikes, groupement composé de Serge Fabre, un ancien de Zone Rouge, et André-Paul Bébeau, patron de Moto 2000 (motos Suzuki) a repris les cartes Yamaha, MBK, Kawasaki et les accessoires Dafy Moto, pour 897.000 € (Moto 2000 avait déjà récupéré la carte Aprilia, directement auprès du constructeur).

Le tribunal ne s’est pas encore prononcé sur le sort des motos BMW, pour lesquelles un groupe de passionnés s’est structuré autour de Gilles de Maisonneuve (ancien directeur de Zone Rouge). Si son offre n’est pas validée par le constructeur, les motos BMW rejoindront selon toute vraisemblance le hall des voitures de la marque, rue des Deux Canons à Sainte-Clotilde.

Cette politique de mutualisation va aussi concerner Kolors Automobiles, qui se sépare des marques Opel et Suzuki, pour lesquelles la Sogécore a déposé une offre. Les marques conservées par Caillé (Kia, Fiat, Alfa-Roméo et Land-Rover) devraient ainsi pouvoir quitter les locaux actuels rue Léopold Rambaud à Saint-Denis, qui sont loués au groupe Dindar (qui ont vendu les activités mais sont restés propriétaires des murs) et intégrer un local détenu en propre.

La Sorequip (SIREN 378511299, appartenant à 100% au groupe Caillé) et RUN SPL (RUN Services Poids Lourds (SIREN 433551447, appartenant à 49% au groupe Caillé) sont deux entreprises dédiées aux poids-lourds et aux engins de chantier, un secteur encore plus touché par la crise que le secteur des voitures particulières, en raison, entre autres, du manque de planification des grands chantiers BTP à La Réunion. La baisse du chiffre d’affaires de ces deux entreprises atteignait 40% en 2010. La Sorequip exploite les cartes IVECO et DAF en poids lourds et JCB, BOMAG, LIEBHERR, CASE, HYUNDAï, NEW HOLLAND, FIORI, RAMMER et TABE en engins de travaux publics. De son côté, Run SPL assure la maintenance des poids lourds et des engins de toutes marques. Les deux entreprises sont installées sur le même site, à l’étang-Salé.

Le groupe Hayot, qui exploite déjà la carte Ivéco à la Martinique et en Guadeloupe, a signé un chèque d’1,65 million d’euros pour reprendre la seule marque IVECO (stock et fonds de commerce), qui représente il est vrai 30% du chiffre d’affaires de la Soréquip, avec comme projet de rapatrier l’activité et les 13 salariés repris (sur 46 au total) sur son site de la zac 2000 au Port (Renault Trucks). Les autres marques de la Soréquip intéressent deux anciens cadres du groupe Caillé: Emmanuel Feltin et Jacques Robert, que le lourd passif de la Soréquip ne semble pas effrayer: 26 millions, dont 20 millions au groupe Caillé (rachat du stock de véhicules) et 6 millions de dette externe. Ils envisagent en effet une renégociation de la valeur du stock. Une troisième offre avait été présentée par Louault, une entreprise de métropole dont la filiale réunionnaise exerce la même activité que la Soréquip, mais cette offre a finalement été retirée car, selon la gérante, la SCI Antoine, propriétaire du terrain ne veut pas baisser le montant du loyer, qui s’élèverait à 40.000 € . La reprise des 33 salariés restant pose également problème.

La SNTM (transport routier, SIREN 340576040) est confiée à Jean Incana et André Payet, qui ont versé 300.000 € , reprennent les salariés et se sont engagés à éponger le passif.

Le groupe Caillé s’est également séparé de la SAS Car Max (deux centres de montage de pneus franchisé Point S), repris par la Somarec (groupe Bernard Hayot) pour 550.000 €.

L’entreprise CAR (Car Holding, qui comprend Car Commercial et CAR SAV), mise en liquidation dans un premier temps, a finalement été rachetée par Jacques Collin et Yann de Neuville. Les deux hommes ont finalement convaincu le tribunal de commerce de St-Denis qu’il n’existait pas de meilleure offre que la leur. Ils ont déposé un chèque certifié de banque de 700.000 € et la promesse de reprise de 11 des 26 salariés. CAR appartenait à 60% à Caillé (depuis 2004) et à 40% à son fondateur, Yann de Neuville. Sur le papier, c’est une bonne affaire: le stock de voiture est estimé à 1,1 million d’euros et les actifs à 470.000 € . La société CAR a une activité de vente de véhicules neufs (Peugeot à Saint-Benoît et Saint-André dans l’Est) et de véhicules d’occasion toutes marques, ainsi que l’entretien.

À Mayotte, l’entreprise RAM (Réparation Automobile Mahoraise, franchisée Midas) est convoitée par Mme Ida Nel (Mayotte Motor Corporation Distribution, qui détient déjà les cartes Ford, Suzuki et Toyota) mais le tribunal réunionnais n’a pas retenu son offre, jugée insuffisante (on parle de 350.000 € ). Si aucune meilleure offre n’est présentée, ce sera la liquidation. Quant à Mayotte Autos (Opel et Chevrolet), l’entreprise, créée en 2007, elle est liquidée.

François Caillé a réussi à vendre AML (Auto Mayotte Location, franchisée Budget), qui a été racheté par SGM (Société Georges Michel) pour 1,3 million d’euros.

La cession partielle de la société MDS (Maintenance Distribution et Service) à la Sodifram a rapporté 1 million d’euros. MDS est une filiale du groupe Caillé dont l’activité est l’importation de poids lourds de marque IVECO, des engins de travaux publics CASE et BOMAG et des pneumatiques PIRELLI, DUNLOP. MDS possède également un atelier dédié aux réparations de camions et engins TP toutes marques. Elle est également chargée de la distribution de pièces et accessoires automobiles (batteries, filtres, plaquettes, lubrifiants, etc.) sur l’île hippocampe. Toutes ces cartes étant revendues à La Réunion, il est logique de s’en défaire aussi à Mayotte.

Ces cessions d’actifs dans la branche automobile ont, selon nos calculs, permis à François Caillé de faire rentrer à ce jour 8,7 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 45.000 € pour BGSOI et surtout 3,2 millions de cession des trois magasins La Grande Récrée, rachetés par Lucendo (propriétaire de l’enseigne au niveau national), et d’éventuelles cessions d’actifs à Madagascar ou dans les autres territoires où le groupe Caillé est implanté (Comores, Maurice, Nouvelle Calédonie, métropole), mais rien n’a encore filtré à ce sujet. Au total, les cessions d’actifs ont en tous cas déjà rapporté 12 millions.

La dette non contestée du groupe Caillé s’élève à 221,6 millions d’euros, que François Caillé s’engage à rembourser sur 10 ans. Le groupe bénéficie d’un remboursement non linéaire: 15 millions en 2012, 11 millions en 2013 et 2014, 22,1 millions de 2015 à 2020 et, enfin, 51 millions en 2021. Cette dernière échéance parait disproportionnée mais les juges ont prévu que, si elle n’était pas honorée par le groupe Caillé, elle serait couverte par la cession d’actifs.

Trois commissaires aux comptes ont été nommés par le tribunal pour veiller au respect des engagements du plan de sauvegarde: Maîtres Piec, Chavaux et Picard.

Recentrage sur la vente de voitures

Après s’être séparé, en partie ou totalement, des activités de location automobile, de vente de deux roues, de poids-lourds et de plusieurs services automobiles à La Réunion, le groupe Caillé se recentre donc sur la vente de voitures, son cœur de métier depuis plus d’un siècle (1919).

Voici les principaux actifs qui restent dans le giron du groupe Caillé et sur lesquels François Caillé compte pour redresser la barre: les concessions Peugeot de Saint-Denis, le Port et Saint-Pierre, les concessions automobiles BMW, Mini et Chevrolet (société HG Automobiles) à Saint-Denis et à Saint-Pierre, les concessions Fiat, Alfa Romeo, Kia et Land-Rover, les garages Gildas’auto, Garage Saint-Joseph Auto, CMC, sans oublier la société Logicare, basée au Port, qui est la structure d’importation de la branche automobile du groupe. Le réseau Peugeot compte également trois agences: SOCOM à Saint-Paul, Automobiles Saint-Louis à Saint-Louis et Garage Bichet au Tampon.

Le groupe Caillé conserve également Réunion Poids-Lourds (SIREN 388026478) et plusieurs sociétés de premier ordre dans les services associés à l’automobile: le service rapide MIDAS (société MSA) avec sept centres à La Réunion, l’enseigne MONDIAL PARE BRISE (société RUN GLASS) avec trois centres et l’assurance (société AUTOCARE), sans oublier une structure commune avec Citroën de gestion des pièces détachées d’origine PSA.

À Mayotte, le groupe Caillé conserve la société SMCI-Groupe Caillé, filiale à 100% du groupe Caillé située à Kawéni, qui importe les marques PEUGEOT, CITROËN et BMW.

Le groupe Caillé est également implanté à Madagascar, depuis le rachat des activités automobiles de la SCOA (Société commerciale de l’ouest africain) en 1996. Le groupe Caillé gère des concessions automobiles suivantes à Madagascar: PEUGEOT, SUZUKI et MITSUBISHI (société SICAM), HYUNDAÏ (société SOCIMEX) et HONDA et BMW (société AUSTRAL AUTOMOBILES). Pour le deux-roues, SOCIMEX commercialise les motos YAMAHA et les cycles & scooters PEUGEOT et la société AUSTRAL AUTOMOBILES représente la marque BMW en motos. Sont présents également à Madagascar, en poids lourds MAN et HYUNDAÏ, en engins travaux publics JCB et LIEBHERR (société SOCIMEX). Ces différentes concessions sont réparties sur huit sites, quatre dans la capitale Antananarivo et quatre en province, à Tamatave, à Fort-Dauphin, à Majunga et à Diego Suarez.

Le groupe Caillé possède également deux agences de location de voitures courte et longue durée à l’enseigne HERTZ (société SOMADA), une entreprise de construction de bateaux et de vente de moteurs YAMAHA (société NAUTIC’ILES). Le groupe réunionnais est également présent sur la Grande île dans des activités diverses et variées comme par exemple CANAL SATELLITE (société SME), l’agence de voyage MERCURE (société SIGM), l’agence immobilière (société SIRH), ou encore une ferme qui produit des fruits et légumes pour l’hôtellerie.

Le groupe Caillé est également présent dans le secteur automobile à Maurice, aux Comores et en Nouvelle Calédonie mais compte surtout sur la branche grande distribution, bénéficiaire et stabilisée, pour respecter ses engagements.

En 2007 (source document groupe): «La branche Automobile est rattachée à la holding SAS CAILLÉ AUTOMOBILES, qui est détenue directement par la société consolidante GROUPE CAILLÉ SA. Cette holding contrôle l’ensemble des sociétés dédiées à l’automobile (concessions auto, moto, poids lourds et engins TP) et aux services annexes. La branche Automobile détient principalement des actifs à l’île de La Réunion, Madagascar, Mayotte mais aussi aux Comores (concession automobile) et en Nouvelle-Calédonie (services immédiats pour véhicules). La centrale d’achat est basée à Paris».

MISE À JOUR

Fin 2011, François Caillé vend à la CFAO l’ensemble de ses actifs à Madagascar, pour 6,3 M€. À noter que la CFAO était déjà actionnaire à hauteur de 49% dans la SICAM.

16 janvier 2019: Le tribunal accède à la demande du groupe Caillé (476 M€ de Chiffre d’affaires en 2018) et son plan de continuation est modifié.

 

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