Mis en ligne par
Ignace de Witte
le 14 novembre 2019
Henry Ford a construit son premier prototype en 1896 et n’a commercialisé sa première voiture qu’en 1903. La Réunion était donc vraiment à la pointe du progrès en faisant rouler la première voiture dans l’île en… janvier 1900. Et Monsieur Gaston Caillé était un visionnaire en devenant concessionnaire officiel de la marque Peugeot dès 1919. Voici les grandes étapes de cette saga réunionnaise qui remonte presque aussi loin que l’histoire de l’automobile!
M. Mottet crée une entreprise d’importation de comestibles, textiles, etc. et d’exportation de géranium, vétyver, rhum et sucre. Il est installé à l’angle des rues Labourdonnais et Jean Chatel à Saint-Denis. Ses deux filles épouseront, l’une Jules Chatel, l’autre Gaston Caillé (Louise). À la mort de M. Mottet, ses deux gendres reprennent l’affaire et la rebaptisent société Caillé-Chatel.
22 juillet: première compétition automobile au monde, organisée par le quotidien «Le Petit Journal», sous l’appellation de «Concours de voitures sans chevaux». Le Petit Journal avait déjà organisé en 1891 le premier Paris-Brest (course à vélo) et organise ce nouvel évènement sportif car cela attire un public nombreux et des lecteurs, à Paris et en province. La course relie Paris à Rouen, soit 126 km. Aprè un «galop d’essais la veille, sur 26 équipages engagés; 21 sont sélectionnés pour prendre le dé:part. Celui-ci est donné Porte Maillot, près du Bois de Boulogne le dimanche matin à 8h. Quatre équipages abandonnent en cours de route et dix-sept seulement franchissent la ligne d’arrivée, au soir. Parmi eux: Gratien Michaux, ingénieur chez Peugeot, qui termine 9e. C’est lui qui, deux ans plus tard, va mettre au point le premier moteur Peugeot. En effet, au début, toutes les Peugeot sont équipées du moteur bicylindre en V de l’allemand Gottlieb Daimler, un excellent moteur puisque la Peugeot Type 5 des vainqueurs de la course (ex-æquo; avec un équipage Panhard-Levassor) en est équipée.
Alors qu’en Amérique, Henry Ford en est encore à concevoir un prototype au fond de sa grange (car cela ne pouvait pas encore être un garage), en France, Armand Peugeot et son beau-frère Albert Fallot créent la SAAP (Société anonyme des automobiles Peugeot) qui s’installe en 1897 à Audincourt, dans une usine de 4000 m2 capable de produire une voiture en 2 jours, soit 150 véhicules par an. C’est de cette usine qu’est sortie la première voiture qui a roulé à La Réunion, qui était donc bien une Peugeot.
1896, c’est aussi l’année où Peugeot dépose le brevet de son premier moteur, mis au point par Gratien Michaux. Ce moteur sera produit à 1584 exemplaires au total, pour motoriser de la Type 14 (1896) jusqu’ à la Type 36 (1902). Ce bicylindre horizontal, de 1 à 2,5 litres de cylindrée, à 2 soupapes par cylindre, carburateur Peugeot, refroidissement par eau et allumage à incandescence puis électrique, délivre une puissance entre 4 et 12 chevaux.
D’après le Mémorial de La Réunion (Tome IV page 220), la première voiture qui a roulé à La Réunion est arrivée sur l’île à bord de «L’Oxus» et l’événement a fait l’objet d’un article dans le journal «Ralliement» du samedi 13 janvier 1900: «À l’arrivée du train de six heures, toute la marmaille de la ville suivait le tricycle à pétrole qui a été roulé de la gare à la maison de M. Samat qui en est l’heureux possesseur». Et dans son édition suivante, le journal raconte les premiers tours de roue: «Hier, MM Samat et Hugnin, qui sont les représentants des maisons Clément et Peugeot, ont essayé leur machine au Rond-Point du Jardin. Ils ont été pleinement satisfaits des résultats obtenus.».
Le journaliste a sans doute fait une erreur car, d’une part, nous n’avons trouvé aucune trace d’un tricycle Peugeot de cette époque au musée Peugeot de Sochaux, d’autre part, la description de la carrosserie (4 places en vis-à-vis), du moteur (2 cylindres à plat, entre 5 et 8 chevaux) et la date de janvier 1900 correspondent davantage à une Peugeot à 4 roues, vraissemblablement une Type 17 (voir photo).
Les «Automobiles Peugeot», fabriquées à Audincourt et Lille, et les «Lions Peugeot», fabriquées à Beaulieu, fusionnent dans une même société: la «Société des Automobiles et Cycles Peugeot».
La première Réunionnaise a passer le permis de conduire est Mme Manès.
Chatel et Caillé se séparent. Gaston Caillé crée alors avec son frère Jules la société «Caillé Frères», qui devient concession des automobiles Peugeot de la Réunion.
31 décembre: Naissance de Jacques Caillé, fils de Jules Caillé. Il sera l’aîné d’une fratrie de dix enfants.
Mort de Gaston Caillé. Son frère Jules Caillé crée une nouvelle société avec son beau-père.
le 10 septembre: Naissance à Saint-Denis de Gaston, fils de Jules Caillé.
Le journal réunionnais «Le Peuple» du 2 août 1924 parle du «développement intensif de l’automobilisme»: la colonie compte alors 343 voitures, dont 127 rien que pour Saint-Denis!
Présentation au Salon de Paris de la Peugeot 201. Elle inaugure la numérotation à trois chiffres avec un zéro central : le premier chiffre indique la taille et le troisième la chronologie.
Un arrêté du Gouverneur de la colonie fait passer la vitesse maximum en ville de 15 km/h à 30km/h.
Jacques Caillé a 18 ans et réussit l’examen du permis de conduire. Sa première voiture est une Peugeot 601 décapotable.
Jules Caillé rachète à son beau-père ses parts de la société.
Jules Caillé transforme sa société en SARL, avec ses deux fils, Jacques et Gaston, comme directeurs.
La Réunion compte 44 kilomètres de routes bitumées, 1188 véhicules à moteur et 6000 charettes-boeufs.
Lancement de la 203, premier nouveau modèle Peugeot de l’après-guerre. Son succès commercial remet vite l’entreprise sur pieds.
Le 25 mars: Naissance à Saint-Denis de François Caillé, fils de Jacques Caillé.
Les roues cerclées de métal des charettes-boeufs détériorent trop les routes bitumées et le Conseil général de La Réunion vote une subvention de 75 millions CFA afin que les planteurs mettent des pneus.
Inauguration par Caillé de la première station service de la Réunion, au Port, à l’enseigne Shell. L’essence était jusque là vendue dans des bidons de 18 litres que les automobilistes pouvaient facilement transporter dans leur coffre. Les nouveaux fûts de 200 litres obligent d’évoluer.
La 403, lancée en 1955, devient la première voiture Peugeot diesel.
Lancement de la 404, qui connait un succès commercial incroyable, surtout en Afrique francophone, et à La Réunion, surtout la version bâchés.
En métropole, Peugeot devient la holding Peugeot S.A, plus communément appelée PSA. La même année, Peugeot lance la 204, sa première traction avant.
Mort de Jules Caillé. La société revient à ses héritiers, Jacques et Gaston.
Construction du garage Peugeot sur le boulevard Lancastel. Le siège administratif reste à l’angle des rues Labourdonnais et Chatel.
Inauguration de la petite agence Caillé de Saint-Benoît. La même année, Peugeot lance sa petite 104.
Pour diminuer le nombre de morts sur la route, la vitesse est limitée à 100 km/h et le port de la ceinture est obligatoire.
La SARL Caillé est transformée en Société Anonyme. Jacques Caillé en est le président et Gaston Caillé le directeur général.
Ouverture de l’agence Caillé de Saint-Pierre. Le parc automobile de la Réunion compte à ce moment 97.743 véhicules, dont 66.400 voitures particulières. En métropole, PSA absorbe Citroën et Peugeot lance la 604, dernier modèle de la série «4».
Lancement de la Peugeot 305, premier modèle de la série «5». Les gendarmes réunionnais reçoivent aussi cette année là leur premier radar.
Lancement de la Peugeot 505.
Le garage du Lancastel est transféré au Chaudron, sur un immense site de 28.000 m2, avec 7500 m2 de bâtiments dessinés par l’architecte Jean-Claude Castelnau et construits par la SBTPC. Les bâtiments se répartissent ainsi: 1300 m2 de show-room et bureaux, 2700 m2 d’ateliers de mécanique, 2100 m2 de stock de pièces de rechange et 1400 m2 pour le stockage des voitures neuves. L’agence du Chaudron emploie alors 103 personnes, dont 62 dans les ateliers, 16 aux pièces de rechanges (22.000 références en stock) et 25 à la vente.
L’investissement de Caillé au Chaudron est lourd, 18,7 millions de francs, mais, grâce à la sortie de la 205, qui connait un succès commercial immédiat, Peugeot va rapidement prendre la première place sur le marché réunionnais, jusque là détenue par Renault. François Caillé, fils de Jacques, fait son entrée au capital de la société.
Grâce à la 205 T16, Peugeot devient Champion du Monde des Rallyes en 1985 et 1986. La voiture, transformée en version Rallye-Raid, gagne le Paris-Dakar en 1987 et 1988.
Apparition de la série «6», avec la 106.
Peugeot remporte les 3 premières places aux 24 Heures du Mans. Lancement de la 306.
Peugeot se lance sur le marché du monospace, avec son 806, fruit de la coopération Peugeot-Fiat.
François Caillé, auparavant directeur commercial de la branche automobile et responsable de la diversification du groupe, remplace son père Jacques au poste de président directeur général du groupe. Sur le plan national, lancement de la 406.
Lancement du coupé 406, dessiné par Pininfarina.
Présentation au Mondial de l’Automobile de la Peugeot 206. Son succès commercial immédiat lui promet une aussi belle carrière que la 205.
Inauguration de la concession Caillé du Port, en présence de Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot, et Hubert Lehucher, directeur des affaires internationales de Peugeot. . Grâce à lui, Peugeot a parfaitement résisté à la montée en puissance des marques étrangères et la marque se taille toujours la part du lion à la Réunion: leader, avec plus de 25% du marché des véhicules neufs. Sur le plan national, lancement de la 607, nouvelle berline haut de gamme de la marque et premier modèle de la nouvelle série «7».
Le 9 octobre: Décé de Gaston Caillé (fils de Jules Caillé, frère de Jacques).
Inauguration de la 1ère concession «Blue Box» de la Réunion, à Saint-Pierre, avec un feu d’artifice digne d’un 14 juillet!
Disparition de Jacques Caillé.
