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auteurMis en ligne par Ignace de Witte le 15 octobre 2007 (dernière modification le 3 mai 2020)

L’hydrogène c’est l’avenir

La Réunion peut revenir dans la course

La Tesla n’est même pas encore importée officiellement à La Réunion (même si une vingtaine roulent déjà sur notre île en 2020) qu’elle est déjà dépassée technologiquement par la Toyota Mirai futur» en japonais), qui fonctionne avec une «pile à combustible», c’est-à-dire un petit réacteur à hydrogène. L’avantage de ce «carburant» est que l’on fait le plein en 3 minutes, pour 500 km.

Oui mais voilà, notre île, qui avait un projet de filière hydrogène dès 2007 et était précurseur sur le plan national, a tout laissé tomber en 2013… Mais rien n’est perdu pour autant: Jean Castex a indiqué que le gouvernement mettait 7 milliards sur la table pour développer l’hydrogène en France, dont 2 dans le cadre du «Plan de relance».

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George W Bush inaugure une station H2 ©White House

L’hydrogène, l’industrie automobile s’y intéresse depuis longtemps. En février 2003, le président Bush a dit: «Je veux que la première voiture conduite par un enfant qui naît aujourd’hui puisse être une voiture à l’hydrogène, inoffensive pour l’environnement». Georges W. Bush a joint le geste à la parole et il a immédiatement débloqué une première enveloppe de 1,1 milliard d’€, destinée à soutenir les recherches de l’industrie automobile américaine en faveur de l’hydrogène. À l’époque, le MIT (Massachusetts Institute of Technology) a publié un rapport selon lequel le timing était parfait: la montée en puissance de l’hydrogène va correspondre au déclin de l’industrie pétrolière.

En 2007, La Réunion s’intéressait aussi à l’hydrogène. Un groupe de travail a été formé: Agence Régionale de l’Énergie de la Réunion (ARER), Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH), Air Liquide, BP Solar, centrale thermique de Bois Rouge, centrale thermique du Gol, centre hospitalier départemental Félix Guyon, conseil général de la Réunion, et des acteurs nationaux ou d’autres départements (AXANE, commissariat à l’énergie atomique, HELION, Université de Corse).

Ce groupe de travail a apporté sa pierre au projet GERRI (Green Energy Revolution Reunion Island) publié en mars 2008, dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, et qui proposait ni plus ni moins de faire de notre île un pôle d’excellence pour les énergies renouvelables, en créant notamment une filière locale de production d’hydrogène à l’horizon 2030.

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Paul Vergès
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Guy Dupond
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Sarkozy et Vergès en 2007

Tout le monde était emballé par ce beau projet: Nicolas Sarkozy (président de la République), François Fillon (1er ministre), Yves Jégo (secrétaire d’état à l’Outre-mer), Jean-Louis Borlo (ministre de l’écologie), Jean Ballandras (Secrétaire Général aux Affaires Régionales de La Réunion), sans oublier les collectivités locales, au premier rang desquelles la Région, alors présidée par Paul Vergès.

Un «groupement d’intérêt public» a été mis en place par l’état et la Région, présidé par Guy Dupond. En janvier 2010 Nicolas Sarkozy est venu en personne inaugurer la ferme photovoltaïque du groupe AKUO Energy à Pierrefonds, une des briques du projet GERRI: «En matière d’énergies renouvelables et de réduction des émissions, c’est La Réunion qui va montrer le chemin et c’est La Réunion qui va devenir une référence pour la France et une référence dans le monde!»

Hélas, en 2013, le groupement d’intérêt public est dissous, car la nouvelle majorité à l Région stoppe son financement, préférant intervenir dans le domaine des énergies renouvelable au travers d’une autre structure. Une partie des projets labelisés GERRI ont été repris par la SPL Horizon, mais l’hydrogène est passé à la trappe…

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Jean Ballandras
Jean Ballandras

Il était en 2007 SGAR (Secrétaire Général aux Affaires Régionales de La Réunion) et très impliqué dans le projet GERRI. Il a entretemps quitté la préfectorale et il occupe actuellement un poste important de directeur au sein du groupe Akuo Energy, acteur majeur de la transition énergétique, qui a installé plusieurs fermes solaires dans le monde et à La Réunion (dont celle de Pierrefonds inaugurée par Nicolas Sarkozy en 2010) et sa société installe aussi des stations-service hydrogène.

… C’est dommage d’avoir abandonné l’hydrogène car il s’avère être aujourd’hui la meilleure solution aux problèmes de batteries et d’autonomie des véhicules électriques. Le premier ministre Jean Castex a sans doute lu comme nous «L’île Mystérieuse» de Jules Verne, paru en 1875, où l’auteur présente l’hydrogène comme source inépuisable d’énergie. En tous cas, le premier ministre, en concertation avec Emmanuel Macron, a indiqué vouloir y consacrer 7 milliards d’€.

La France produit actuellement 992.000 tonnes d’hydrogène par an, mais quasi-exclusivement à l’aide d’énergie fossile, par «vaporeformage d’hydrocarbures». L’objectif du gouvernement est de booster la production d’hydrogène à partir d’énergie renouvelable, par électrolyse, pour ne pas perdre d’un côté ce que l’on gagne de l’autre.

L’Allemagne, qui vient d’annoncer un plan de 9 milliards pour la filière «wasserstoff» (hydrogène en allemand) a opté pour une approche diamétralement opposée: les constructeurs allemands, BMW en tête, sont encouragés depuis longtemps à développer des modèles roulant à l’hydrogène, même si celui-ci est produit par l’industrie pétrolière et donc de façon polluante. En Allemagne, l’hydrogène est ainsi disponible dans certaines stations-service depuis 2004.

Tout le monde s’y intéresse aujourd’hui

La BMW hydrogen 7 et la Toyota Mirai sont les hirondelles qui annoncent … d’autres hirondelles: BMW a présenté son «BMW i Hydrogen NEXT» : c’est un gros SUV de type X5 issu d’un partenariat avec Toyota qui remonte à 2013 et qui sera bientôt commercialisé.

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BMW Série 7 Hydrogen (E68)
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Toyota Mirai
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BMW X5 hydrogen (G05)
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Mercedes GLC fuel cell

Le 10 juin 2020, le ministre de l’économie allemand Peter Altmaier est arrivé au volant d’une Mercedes GLC fonctionnant à l’hydrogène à sa conférence de presse pour présenter le plan allemand destiné à faire du pays le leader mondial de l’énergie «wasserstoff», un plan pour lequel l’Allemagne débloque donc 9 milliards (dont 2 milliards pour subventionner les ménages allemands et les entreprises qui achètent un véhicule à hydrogène).

Tous les constructeurs développent aujourd’hui des voitures à pile à combustible: Mercedes, BMW et Audi, mais aussi Fiat, Kia, Hyundai, Honda, Volvo et même Renault (au travers d’une alliance avec Nissan, Ford et Daimler). Le groupe PSA développe aussi un modèle, via sa filiale Opel. Le constructeur au losange a déjà mis au point un Kangoo électrique équipé d’une toute petite pile à combustible qui agit comme un «prolongateur d’autonomie», une technologie «micro-hydrogène» qui a fait ses preuves et qui est maintenant également disponible sur le Renault e-Master, depuis juin 2020, partout sauf à La Réunion, puisque le projet de filière hydrogène a été abandonné en 2013 et qu’il n’y a par conséquent pas une seule station-service sur l’île où on peut faire le plein d’hydrogène. Alors que nous étions bien partis pour être département pilote si on avait poursuivi le projet GERRI.

Mais tout n’est pas perdu, La Réunion peut encore se positionner sur le plan hydrogène annoncé par le premier ministre Jean Castex et détaillé par Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et Bruno Le Maire, ministre de l’économie. Ce dernier a affiché les ambitions de la France: «Une stratégie à sept milliards pour gagner un pari technologique. Sept milliards pour être les meilleurs en Europe […] Parmi les différents procédés, la stratégie retient l’électrolyse qui apparaît comme le plus prometteur, sur lequel la France dispose déjà d’industriels à fort potentiel».

La Réunion peut produire de l’hydrogène propre

Le plan du gouvernement comporte la construction de 100 stations-service hydrogène en France: notre population représente 1% de la population nationale: cela devrait justifier qu’on ouvre au moins une de ces stations-service à La Réunion. L’investissement est raisonnable: entre 1 et 2 million d’€.

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«ilet» isolé à La Réunion

Grâce à notre position géographique intertropicale, favorable au développement du photovoltaïque, notre île peut aisément alimenter cette station-service en hydrogène «vert», donc parfaitement en phase avec le plan du gouvernement. C’est ce que fait déjà EDF Réunion à Mafate, depuis janvier 2017, à l’initiative de Jean-Bernard Lévy (pdg EDF): «l’électricité produite en surplus par les panneaux photovoltaïques posés sur l’école est stockée dans des batteries lithium-ion mais une partie est maintenant stockée sous forme d’hydrogène, produit par électrolyse».

L’hydrogène est ensuite retransformée en électricité par une pile à combustible, qui permet d’alimenter alors l’école, le dispensaire et la maison de l’ONF. Techniquement, EDF a choisi le dispositif SAGES (Smart Autonomous Green Energy System) de Powidian , une startup française lauréate des Trophées des Solutions Climats de la COP 21 en décembre 2015. Si l’expérimentation est concluante, ce «micro-grid» sera dupliqué dans les autres ilets, ce qui va permettre de fortement diminuer le recours aux groupes électrogènes fonctionnant au diesel.

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CEOG sur youtube

Évidemment, pour passer de ce «micro-grid» à un réseau capable d’alimenter plusieurs stations-services qui alimenteront à leur tour les piles à combustible de milliers de véhicules à hydrogène, il faut changer d’échelle, mais l’essentiel est de décider de se lancer. Certains à La Réunion l’avaient compris dès 2007, ils n’ont pas été suivis, mais rien n’est perdu. L’Allemagne et le Japon sont leaders pour la fabrication de voitures à hydrogène mais la France dispose d’une réelle expertise dans la production d’hydrogène: c’est à Saint-Laurent du Maroni, au sein de la Centrale électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) que se trouve le plus grand projet au monde de centrale photovoltaïque stockant l’énergie sous forme d’hydrogène. Elle sera opérationnelle fin 2021.

L’hydrogène est l’avenir de la voiture électrique individuelle car il permet de faire le plein en 3 minutes pour une autonomie de 500 km, mais c’est aussi l’avenir des transports en commun: à Londres, des bus à hydrogène roulent depuis 2010. C’est également l’avenir du transport de marchandise, certains camions roulent déjà en France, et même des motos (Suzuki a dévoilée son premier prototype au Tokyo Motor Show de 2007).

Les projets sont prêts, il faut juste maintenant qu’ils «collent» avec l’agenda politique des uns et des autres, et ça c’est une autre paire de manches!

 # Hydrogène   # carburant 

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